C’est a l’occasion d’une exposition consacree a Hans Haacke, a l’ete 1995 a Barcelone, que parut ce magnifique catalogue. D’abondants documents photographiques commentes par Haacke lui-meme informent le lecteur sur les tenants et aboutissants de ses nombreuses creations. On redecouvre l’oeuvre des annees soixante avec ses structures complexes et ses systemes en temps reel. Et celle des annees soixante-dix ou Haacke entreprit de mettre en lumiere des problemes a saveur socio-politique. On revit l’affaire Shapolsky qui, en 1971, provoqua l’annulation de son exposition solo au Guggenheim. Deja Haacke, l’artiste qui entrevoyait l’art comme un mode de communication, fut <<excommunie>> du marche de l’art americain.
L’article de Walter Grasskamp retrace de Documenta en Documenta, les principaux episodes qui ont marque la carriere de l’artiste ainsi que les differentes controverses que son travail a provoquees. Nous y apprenons, par exemple, que Haacke fut engage comme photographe a la Documenta 2 (1959). Cette experience fut decisive pour lui: le marche de l’art lui apparut comme un monde regroupant des travailleurs de tous les milieux. Cette vision des choses lui fit perdre, d’entree de jeu, toute illusion quant a l’existence d’un art autonome. Deja, dans les photographies produites a cette occasion, apparaissent deux traits recurrents de son oeuvre: scepticisme et polemique.
Benjamin Buchloh, pour sa part, explore le phenomene Haacke en fonction de son implication historique et theorique. Ce qui le preoccupe surtout, ce sont les interets ideologiques qui continuent a vouloir definir l’esthetique comme la forme singuliere d’une experience desinteressee. Il cherche aussi a clarifier les fonctions repressives des concepts de pure visualite qui proscrivent la representation de l’experience historique. Enfin, il examine les effets d’exclusion que provoquent les concepts d’autonomie.
A noter, a la page 176, une interview avec l’artiste menee par Jean Papineau (tiree de Parachute, n[degrees] 56) sur des questions theoriques establissant des correspondances entre la pensee de Brecht et une oeuvre de Haacke, Voici Alcan, presentee a Montreal en 1983.
Mentionnons, pour terminer, que tous les textes sont en anglais et en espagnol. A.-M. G.